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Éditorial
Régulièrement, notre revue décide d’explorer l’histoire des Juifs en France sous l’angle socioprofessionnel. Nous avons pu ainsi, au fil du temps, approfondir nos connaissances sur les métiers d’argent (Banquiers et prêteurs, 29/2, 1996), découvrir les occupations particulières des Juifs (Les métiers des Juifs, 33/2, 2000), scruter l’univers des enseignants et des éducateurs (Transmettre l’identité juive, 35/2, 2002), ou nous attarder sur un secteur d’activité, le vêtement, très souvent identifié à l’immigration d’avant la Seconde Guerre mondiale (Juifs dans le Paris du vêtement et de la mode, 39/2, 2006), et enfin plonger dans l’univers des savants et des faiseurs d’opinion (Les intellectuels, 36/2, 2003 et 38/1, 2005)
Avec ce dossier, nous abordons la grande bourgeoisie juive parisienne, objet de tant de fantasmes antisémites. Nous aurions pu choisir de traiter de la constitution des grandes fortunes juives, de l’art de vivre luxueux de ces « nababs » ou encore de leurs façons d’exercer le leadership communautaire. Nous ne nous interdisons évidemment pas de revenir sur ces thèmes plus tard. Mais nous avons opté ici pour une autre approche, celle de leur intégration au sein des élites françaises. Car appartenir au « gratin », « en être », se fondre dans un milieu dont les codes sont volatils et les hiérarchies très subtiles, voilà bien le rêve de plusieurs générations de Juifs. Mais la richesse est loin d’être suffisante. Dès lors, comment se faire accepter, s’intégrer, voire s’assimiler à ce corps social si exclusif ? C’est là une entreprise dont on découvrira, avec quelque surprise peut-être, toute la complexité.
Notre numéro ne se contente donc pas de décrire un milieu. Il essaie de pénétrer en profondeur des moments et des situations particulières. Quelle vision les antisémites donnaient-ils de ces bourgeois israélites ? Comment réagirent les autorités catholiques à la multiplication des « mariages juifs » – entendez les mariages d’un aristocrate ou d’un grand bourgeois chrétien avec une héritière juive ? Quelle part revient au particularisme dans les pratiques des collectionneurs, des mécènes et des philanthropes israélites ? Innovateurs bien souvent dans la sphère économique, sont-ils forcément des conservateurs ou des indifférents sur le plan religieux ? Nul doute que ce parcours dans l’univers des grands bourgeois juifs bousculera certaines idées reçues.
Pour compléter ce numéro, nous vous proposons, dans la rubrique « Mélanges », deux articles d’un auteur confirmé, Jean Laloum, et d’une jeune chercheuse, Karine Macarez ; l’un et l’autre traitent des persécutions sous l’Occupation, le premier à travers le travail d’assistance des services de l’UGIF abrités dans les locaux de l’Union libérale, rue Copernic, la seconde à travers le sort des Juifs de la Sarthe. Soulignons enfin l’intérêt de la rubrique « Archives », où Rafaële Arditti décrit un ensemble remarquable, le Fonds Salomon Grumbach, qui fait partie des archives revenues de Moscou après avoir été pillées par les nazis lors de l’Occupation. Variété et nouveauté, voilà encore une fois ce que nous espérons apporter aux lecteurs d’Archives Juives.
J-C.Kuperminc
Sommaire
Dossier : La grande bourgeoisie juive parisienne (1850-1940)
Introduction, par Cyril Grange
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Comment « en être » ? Les Juifs et la « haute société » dans la seconde moitié du XIXe siècle, par Catherine Nicault
Dès la Monarchie de Juillet et le Second Empire, et plus encore dans les années 1880-1900, les « Israélites » parvenus au sommet de la réussite économique et financière aspirent à conquérir une « position mondaine » considérée comme le degré ultime de la « distinction » sociale. Or l’antisémitisme régnant dans la « Haute Société », alors de composition essentiellement aristocratique, ne leur facilite pas les choses, surtout à la fin du siècle. L’article cherche d’abord à montrer que la quête de la réussite mondaine chez les parvenus juifs est un fait social isolable, qui tire sa source non du seul snobisme mais souvent aussi du désir de parachever leur processus d’intégration dans la société française – comme le prouve notamment le refus fréquent de la conversion. Partant de là, sont examinées les tactiques déployées (réceptions fastueuses, libéralités d’argent de toute sorte, mariages), comme les résistances rencontrées. Le ressentiment est en effet la rançon du sésame utilisé pour forcer les portes de l’aristocratie, l’argent. Celui-ci s’exprime en particulier dans le registre de la médisance, dont les écrits intimes permettent de mesurer l’étendue, notamment entre l’affaire Dreyfus et la Grande Guerre, une époque pourtant souvent considérée comme marquant une décrue de l’antisémitisme en France.
/ How to « belong » ? The Jews and the high society during the second half of the XIXth century
Since the July Monarchy and the Second Empire, and much more during the years 1880-1900, the « Israélites » who had reached the top of the economical and financial achievement are eager to gain the « mundane status » considered as the ultimate stage of the social distinction. However, this High Society which was then mainly aristocratic, did not welcome them so easily, and mainly during the last years of the century. This article aims first at showing that this eagerness for mundane ranks among the recently high class Jews can be isolated as a fact of its own, not only because of snobbism, but often as a wish to achieve their integration in the French society, which is proved by their frequent refusals to become converts. Following this first aspect, the strategies which are evolved are scrutinized (gorgeous parties, liberalities of all sorts, weddings) together with the refusals they met with. Resentment is in fact the ransom for the Sesame which helped them to force the doors open into the world of aristocracy and fortune. This is particularly noticed in the foul-talking which is widely used in secret writings, more openly about the Dreyfus Affair and the First World War, although this period has often been pointed out as witnessing a lessening of anti-Semitism in France.
L’union d’Émile II Pereire et Suzanne Chevalier : l’Église et les mariages mixtes dans la seconde moitié du XIXe siècle, par Vincent Gourdon et Cyril Grange
Le 5 avril 1864, à la mairie du VIIIe arrondissement, Émile II Pereire épouse Suzanne Chevalier. Né en 1840, Isaac Émile Pereire est le fils du banquier Émile Pereire. Sa femme, Suzanne, est la fille de Guillaume Auguste Chevalier, notamment chef de cabinet de Napoléon III, et la nièce de Michel Chevalier. Les familles Pereire et Chevalier sont unies par une adhésion commune aux thèses du saint-simonisme. Le scandale auquel donne lieu la célébration religieuse du mariage –auprès d’une partie de l’assistance au sortir de la cérémonie elle-même, puis parmi les plus hautes instances catholiques – est révélateur des tensions que suscitent les unions entre partis juifs et partis catholiques au sein même de l’Église. L’enquête menée à l’initiative du nonce de Paris s’inscrit aussi dans la lutte qui oppose l’archevêque de Paris, Monseigneur Darboy, gallican, et la hiérarchie vaticane. C’est à l’occasion de ce mariage que des hauts responsables catholiques vont être amenés à préciser la position de l’Église sur la question de la disparité de culte des conjoints. Des précisions sur le rôle que la hiérarchie épiscopale veut voir jouer au curé et sur la forme de la liturgie vont alors être clairement formulées.
/ The wedding of Emile II Pereire and Suzanne Chevalier. The Catholic Church and the problem of mixed marriages in the second half of the XIXth century
On April 5th 1864, in the city-hall of the 8th district of Paris Emile II Pereire marries Suzanne Chevalier. Born in 1840, Isaac Emile Pereire is the son of the banker Emile Pereire. His wife Suzanne is the daughter of Guillaume August Chevalier, who had been in particular the principal private secretary to Napoleon III, and the niece of Michel Chevalier. The families are already linked by their common adherence to the theories of the Saint-Simonism. The scandal which occurred after the religious marriage – among a part of the assistance – reveals the tensions which exist about weddings between Jews and Catholics in the Church itself. The inquest carried out following the initiative of the apostolic nuncio in Paris can also be understood as part of the struggle between the Paris Archbishop, Monsignor Darboy, a “gallican”, and the Hierarchy of the Vatican. On the occasion of this wedding the highest Christian officials are finally induced to make the position of the Church clear about the disparity of worship between the husband and his wife. Precisions will then be pointedly expressed about the part which must be that of the priest, and the liturgy which must be respected according to the Episcopal hierarchy.
Rothschild & Cie. La bourgeoisie juive vue par Édouard Drumont, par Grégoire Kauffmann
Auteur de La France juive (1886) et fondateur du quotidien La Libre Parole (1892), Edouard Drumont (1844-1917) a puissamment contribué à façonner dans les mentalités le stéréotype du Juif « bourgeois », pierre angulaire de son argumentation antisémite. Catholique, marqué de bonne heure par la pensée contre-révolutionnaire, le polémiste invente l’antisémitisme moderne en associant la République aux Juifs et les Juifs à l’argent. L’« infiltration » de la bourgeoise juive dans le monde aristocratique constitue l’un des principaux leitmotivs de son argumentation. Le « Juif d’argent » est toujours celui qui, selon Drumont, dépossède la noblesse de ses attributs, de ses symboles, de ses gloires passées. Arc-bouté sur le « mythe Rothschild », son discours connaît une large diffusion dans les années 1880-1890. Face aux attaques dont ils sont l’objet de la part des antisémites, de nombreux Juifs issus de la bourgeoisie choisissent de relever le gant. Reproduisant les codes aristocratiques, ils se montrent particulièrement sourcilleux sur le chapitre de l’honneur et n’ont que mépris pour la passivité, le « silence du dédain » observés par une partie de leurs coreligionnaires.
/ Rothschild and Co. The Jewish high middle-class as seen by Edouard Drumont
The author of La France juive (1886) and the founder of the newspaper La Libre Parole (1892), Edouard drumont (1844-1917) strongly contributed to give shape to the stereotype of the high middle-class « Jew », the cornerstone of his anti-Semitic argument. A Catholic, early influenced by the counterrevolution thought, the polemist creates modern anti-Semitism by associating the Republic and the Jews and the Jews with money. The « infiltration » of the Jewish high middle-class into the aristocratic world constitutes one of his principal leitmotivs for his argumentation. The « money Jew » is always the one who, according to Drumont, deprives the nobility of its attributes, symbols and bygone glories. Bracing himself on the « Rothschild myth « , he delivers a speech widely circulating in the years 1880-1890. Against the attacks coming from the anti-Semites, numerous Jews of this high middle-class decide to take up the gauntlet. On the model of the aristocratic codes, they prove particularly haughty concerning honour and despise passiveness, the « silence of contempt » which is the answer of some of their coreligionists.
Pour une spiritualité juive moderne : l’Union libérale israélite et ses fondatrices, Marguerite Brandon Salvador (1846-1925) et Clarisse Eugène Simon (1855-1950), par Catherine Poujol
Pour une spiritualité juive moderne : l’Union libérale israélite et ses fondatrices, Marguerite Brandon Salvador (1846-1925) et Clarisse Eugène Simon (1855-1950), par Catherine Poujol Le 4 décembre 1907, lors du premier office de l’Union libérale israélite, rue Copernic, Clarisse Eugène Simon et Marguerite Brandon Salvador, touchaient enfin à leur but : réformer le judaïsme français. L’histoire n’a pas retenu le nom des deux vice-présidentes, qui sont pourtant les premières femmes à assumer la direction administrative d’une synagogue en France. C’est bien leur projet, leur aspiration commune qui prennent forme, après que la réforme ait lentement mûrie dans leurs salons. Riches, elles ont leurs bonnes œuvres comme tant d’autres dames de la grande bourgeoisie. Cela ne les empêche pas d’être aussi des intellectuelles et des féministes. Elles partagent une autre originalité, dans un milieu où l’indifférence religieuse le dispute souvent à la tentation de la conversion : celle de se sentir concernées par la dimension nationale du judaïsme et par la religion de leurs pères, au point de vouloir la moderniser. Montrer comment elles sont arrivées à leurs fins et en quoi ce judaïsme modernisé répond aux aspirations d’une fraction de la grande bourgeoisie juive du temps tel est le but de cet article.
/ Modern Jewish spirituality: the Liberal Jewish Union and its founders, Marguerite Brandon Salvador and Clarisse Eugene Simon
On December 4th 1907, during the first service of the LIU, Copernic Street, Claire Eugene Simon and Marguerite Brandon Salvador knew that they had finally succeeded in introducing a reform of the French Judaism. History did not keep notice of the names of the two vice-presidents, although they were the first women to belong to the administrative presidency of a synagogue in France. It was their own project, their common wish which then became a reality, after a long ripening of that reform that went on in their sitting-rooms. Since they were well off, as so many other ladies of the high middle-class, they dedicated much of their time and efforts to various philanthropic societies. But this was not an obstacle for them from acting as cultivated feminists. They shared another peculiarity, in a social group which was not interested in religion, but accepted conversions. They felt concerned with the national scope of Judaism as the religion of their ancestors, so deeply that they tried to change it according to modern priority. The aim of this article is to describe how they achieved their schemes and how this up-to-date Judaism is an answer to the wishes of a part of the upper Jewish society of that period.
Les collectionneurs juifs sous la Troisième République (1870-1940), par Véronique Long
Entre 1800 et 1940, les classes supérieures de l’Europe et de l’Amérique du Nord s’adonnent frénétiquement à la pratique de la collection artistique privée. La prospérité générale, les mutations du marché de l’art, l’intense circulation des objets et la réflexion sur la notion de patrimoine concourent à l’essor du collectionnisme. D’immenses fortunes mobilières et immobilières se constituent et fournissent un vivier de collectionneurs potentiels, contribuant à transformer l’objet artistique en objet d’investissement. L’élargissement social et culturel du collectionnisme touche la haute société juive, comme le prouve l’examen des annuaires de collectionneurs et des listes de donations des musées. L’étude du cas parisien permet d’apprécier tout à la fois les goûts de ces amateurs, leur degré de participation aux réseaux de sociabilité artistique et leur rôle de mécènes auprès des artistes et des institutions muséales de la capitale. En effet, alors que la Troisième République fait construire de nouveaux musées en France, les collectionneurs juifs parisiens se font volontiers donateurs de ceux de Paris, mais aussi de la province. Nourris de la foi dans la science et le progrès, caractéristique de l’époque, ils cherchent à témoigner de leur intégration à une société française à laquelle ils sont fiers d’appartenir.
/ The Jewish collectors during the Third Republic (1870-1940)
Between 1800 and 1940 the upper middle-classes in Europe and North America dedicate themselves frantically to private artistically collecting. The general prosperity, the changes in the art-market, the heavy marketing of objects, and the tendency to constitute a patrimony contribute to the need for collections. Huge fortunes in personal or real-estate properties are built which allow the growth of the number of collectors, so that the artistic object becomes in fact an object of investment. The social and cultural fashion for collecting reached the wealthy Jewish families, as can be inferred from the reading of collectors’ yearbooks and the lists of donors to museums. Taking into account the doings of the Paris collectors, enables to make an estimate of the tastes of these collectors, as well as the level of their contributions to the networks of the artistic world and their parts as patrons to help artists and museum institutions in Paris. As a matter of fact, while the Third Republic orders the building of new museums in France, the Jewish collectors in Paris agree to make their own investments in the Paris museums as well as those in different counties. Deeply concerned by the faith in science and progress, particular to that period, they are eager to prove their integration in the French society to which they are proud to belong.
De l’Aviation à la Cité universitaire. Philanthropie et patriotisme chez les Deutsch de la Meurthe, par Sophie Mouton
Le parcours de la famille Deutsch de la Meurthe illustre le mouvement d’ascension de la nouvelle bourgeoisie économique, qui à la fin du XIXe siècle contribue au renouvellement des élites sociales. Alexandre Deutsch, aidé de ses deux fils Henry et Émile, met en place une importante industrie de raffinage de pétrole, en France puis dans toute l’Europe. Cette brillante réussite économique va propulser cette famille juive jusqu’aux plus hautes sphères de la bourgeoisie parisienne. Les frères Deutsch de la Meurthe s’engagent alors progressivement dans des actions philanthropiques qui vont traduire leur attachement à la France dans une période troublée par le jeu des nations et par un antisémitisme virulent. S’ils ne délaissent pas leur identité juive, ils semblent pourtant la reléguer à la sphère privée. Lorsqu’il s’agit de laisser une trace pour la postérité, ils font le choix de réalisations de grande envergure en faveur de la nation française, soutenant l’effort de guerre par le mécénat aéronautique ou l’œuvre de reconstruction des années 1920 avec la Cité universitaire internationale. La fille d’Henry Deutsch, Suzanne restera dans la tradition familiale avec la reconstruction du village de Moÿ-de-l’Aisne, dévasté des suites de la guerre de 1914.
/ From aircraft to the “Cité universitaire internationale”. Philanthropy and patriotism of the family Deutsch de la Meurthe
The history of the Deutsch de la Meurthe is typical of the rise of the new economy middle-class, which by the end of the XIXth century is an important contribution to the renewal of the social elite. Alexandre Deutsch, with the help of his two sons Henry and Emile, sets up a huge industrial structure of oil-refining, in France and all over Europe afterwards. This brilliant economical achievement will lead this Jewish family up to the highest place among the middle-class of Paris. The two brothers then, step after step, commit themselves in philanthropic action which will prove their attachment to France, in those troubled times with the interplay between nations and also a vicious anti-Semitism. They do not quit their Jewish identity; nevertheless they consider this belongs to privacy. When it comes to what they will leave to posterity, they choose off large-scaled projects in favour of the French country, such as supporting the war effort through aircraft sponsoring or rebuilding during the years 1920 such as the Cité universitaire (International Student Residence) in Paris. Henry Deutsch’s daughter, Suzanne, will keep to the family tradition by supporting the rebuilding of the village called Moÿ-de-l’Aisne, devastated during the First World War.
Mélanges
Du culte libéral au travail social : la rue Copernic au temps des années noires, par Jean Laloum
La synagogue de la rue Copernic ne compta pas au nombre des lieux de prières restés ouverts à Paris sous l’Occupation. Son président, André Baur, également à la tête de l’UGIF-Nord, obtint des Allemands l’autorisation d’abriter dans ses locaux deux services de L’UGIF- Nord : le service 20, « Placement », et le centre 58, « Foyer des intellectuels ». Créé au printemps 1942, le premier avait la difficile mission d’orienter les demandeurs d’emploi, dans un contexte d’interdictions professionnelles sans cesse accrues. Beaucoup aspiraient à s’employer dans l’institution même de l’UGIF, particulièrement comme assistantes sociales. Un métier ardu où il fallait faire face à la misère, aux problèmes de santé, en fait à toutes les retombées sociales désastreuses des mesures antijuives prises par Vichy et l’occupant. Un métier à haut risque aussi, malgré la possession enviée de la carte de légitimation. Quant au service des intellectuels, il proposait une bibliothèque (à partir de mars 1942), des conférences, bref une offre culturelle précieuse à l’heure où les lois d’exception isolaient les Juifs. Ce n’est qu’à l’automne 1945 que l’ULI reprit le cours de ces activités cultuelles.
/ From liberal cult to social activities: The « rue Copernic” during the dark years
The synagogue of Liberal Jewish Union in Copernic Street was not counted as one of the prayer-places left in activity in Paris during the Occupation. The president, André Baur, also president of the UGIF-Nord, was allowed by the Germans to house in the synagogue two departments of UGIF: department 20, « placing », and centre 58, « club for intellectuals ». Created during the spring 1942, the first had the difficult assignment to direct job seekers, while the banning from job unceasingly grew. They were many to wish to have a job in the departments of UGIF itself, specifically as social workers. A laborious job which led to be confronted to destitution, health problems, in fact to all the disastrous hardships caused by the anti-Jewish social measures decided by Vichy and the occupant. A dangerous job also, in spite of being the envied owner of a “legitimation card”. As concerns the « club for intellectuals », it offered a library (starting from March 1942), conferences; in short it was an invaluable cultural opportunity, when the exceptional laws cut off the Jews from everyday life. At last, in autumn 1945, LIU could resume its worship activities.
Qu’est-ce qu’une communauté à l’époque contemporaine ? À propos d’une recherche sur les Juifs en Sarthe, 1889-1945, by Karine Macarez
À travers l’exemple de la Sarthe, un département français, cet article cherche à définir la notion de communauté juive. Notre recherche couvre une période qui va de l’apparition des premières archives antisémites en Sarthe jusqu’à ce que le décompte officiel des déportés de cette région soit connu. Il dépeint l’arrivée des Juifs étrangers dans l’entre-deux–guerres et étudie la migration de ces individus et de ces familles. Nous montrons que cette immigration a eu des conséquences directes sur la création des structures communautaires juives. Nous évoquons aussi les événements qui surviennent dans la Sarthe quand elle devint une partie de la zone occupée et les conséquences pour les Juifs qui y vivent, l’arrivée massive des réfugiés juifs de Paris aussitôt la guerre déclarée, les persécutions antisémites et la dispersion de la communauté juive. Nous analysons aussi les efforts de reconstruction de la communauté juive et les difficultés rencontrées avec ce que Henry Rousso définit comme le “Syndrome de Vichy”, l’attitude française à propos de la Seconde Guerre mondiale.
/ How can we specify the meaning of the word « community » to-day? About the Jews in the “département” of Sarthe, 1889-1945
Through the example of Sarthe, a French “département”, this study focuses on defining the notion of Jewish community. Our investigation spans from the apparition of the first anti-Semitic archives in Sarthe to the official date that the number of deportees was known in the county. It depicts the arrival of foreign Jews in the county in the inter-war period and studies the migration phenomena of these individuals and families. We show that this immigration had direct consequences on the creation of Jewish communitarian structures. We also illustrate the events happening in Sarthe when it became part of the occupied zone and consequences for the Jews living in the area, the massive arrival of Jewish refugees from Paris as soon as the War is declared, the anti-Jewish persecutions, and the dispersion of the Jewish community. We also analyse the tentative ways they tried to reconstruct the Jewish community and the difficulties they faced with that Henry Rousso defined as “Syndrome de Vichy”, the French attitude when it comes to deal with the World War II.
Archives
Le fonds Salomon Grumbach : une plongée dans la vie des réfugiés du Reich en France (1939-1940), par Rafaële Arditti
Dictionnaire
- Marc Breuer, aumônier des EIF et dirigeant du Yechouroun
- Elie Weil, responsable communautaire et municipal
Lectures
- Denis Lévy-Willard, Le Livre dans la société juive médiévale de la France du Nord (Monique Lévy)
- Michel Drouin, Zola au Panthéon. La quatrième affaire Dreyfus (Catherine Nicault)
- Danielle Delmaire, Les Communautés juives septentrionales au XIXe siècle (1791-1914) (Monique Lévy)
- Florent Le Bot, La Fabrique réactionnaire. Antisémitisme, spoliations et corporatisme dans le cuir (1930-1950) (Jean Laloum)