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Éditorial
On croyait tout savoir sur le régime de Vichy, sur l’Occupation, sur les mesures antisémites de 1940-1944. Tant d’ouvrages ont paru, qui ont établi ou rétabli les origines et les effets de la discrimination systématique. Depuis longtemps, nous avons compris que la persécution visait à éliminer les Juifs de la vie politique, sociale et économique, que l’aboutissement inévitable, c’étaient l’arrestation, l’internement et la déportation. Les historiens de la nouvelle génération nous apprennent que tout n’a pas été révélé, qu’il faut pousser l’enquête plus loin encore. Ils nous rappellent que l’écriture de l’histoire n’est jamais définitive, que la recherche n’est jamais exhaustive. Que se passe-t-il, par exemple, dans les milieux administratifs, chez les médecins, parmi les journalistes de la presse radiodiffusée, dans l’armée, en Tunisie ou bien dans les colonies ?
Autant de questions, sur lesquelles les réponses restaient floues, comme si nous étions capables de comprendre le cadre général et que nous restions muets, ou presque sur la condition des individus, sur l’atmosphère qui prévalait dans telle ou telle administration. Or, l’histoire tente de reconstituer la vie des hommes et des femmes, leurs activités, leurs intentions. La tâche est difficile, parfois impossible. Notre revue présente un dossier qui affronte cette difficulté et le fait avec succès. En ce sens, voici que des zones d’ombre reçoivent un éclairage inattendu. Des sources jusqu’alors inexplorées livrent d’indispensables informations. Bref, les évictions professionnelles sous Vichy réclament une étude attentive, renouvelée, approfondie. Elles livrent un témoignage décisif sur la politique antisémite. En privant les Juifs de leurs revenus, en les excluant de la France qui travaille, l’État français ne commet pas seulement une injustice. Il satisfait une frange de la population qui aspirait à écarter des concurrents ou qui, tout simplement, voulait « purifier » le pays. Il crée des blessures qui ne cicatriseront pas. Dans le même temps, Vichy prend des initiatives qui n’étaient pas toujours, loin de là, réclamées par l’Occupant et sert les exécutants de « la solution finale ». Rien ni personne ne pourra justifier une politique aussi néfaste.
En dehors du dossier, nos lecteurs retrouveront les rubriques habituelles d’Archives juives. Certes, les mélanges souffrent un peu de l’ampleur qui a été accordée au dossier. Mais ils abordent des thèmes qui touchent à d’autres périodes que la Seconde Guerre mondiale et à d’autres lieux que la France métropolitaine. La réflexion sur le dictionnaire biographique des rabbins, et de nouvelles entrées de notre dictionnaire des personnalités juives ont pour but de rappeler que l’histoire n’est pas seulement celle des mouvements collectifs, mais aussi et surtout celle des individus. Autant dire que le nouveau numéro de la revue est riche, original et ne laissera aucun lecteur indifférent. À tous, je souhaite une année très heureuse et une lecture enrichissante.
A.Kaspi
Sommaire
Dossier : Les évictions professionnelles sous Vichy
Introduction, par Laurent Joly
Pas de résumé disponible pour l’instant.
La mise en œuvre du statut des Juifs du 3 octobre 1940, par Tal Bruttmann
La promulgation du statut des Juifs du 3 octobre 1940 décide, entre autres, de l’exclusion des Juifs de la fonction publique. Mais, afin de mener à bien ce processus, il faut que les administrations répondent à une question jusque là inédite : qui, parmi les agents de l’Etat, est juif ? Et, surtout, il leur faut identifier ceux qui répondent à cette norme nouvelle. Pourtant, malgré la nouveauté de cette « mission », en quelques semaines à peine, les administrations mènent à bien l’identification des Juifs en leur sein. Aux instructions transmises par les échelons centraux et préconisant souvent des méthodes peu efficaces ont répondu de nombreuses initiatives visant à améliorer la mise en œuvre du statut. Après quelques tâtonnements « techniques » et grâce aux échanges entre la base et le sommet de la pyramide administrative française, l’administration française sait dès la fin de l’année 1940 identifier les « Juifs » et épurer ses rangs.
/ Implementation of the status of the Jews of October 3rd 1940
Upon the promulgation of the status of the Jews of October 3rd 1940, Jews are excluded from civil service, among other exclusions. However, in order to manage things efficiently, civil services must obtain an answer to a question which had never been asked up to then: who is a jew among the civil servants? and, first of all, they must identify who, among them, belongs to this group. Nevertheless, even if this assignment is quite unusual, the services carry this identification through in a lapse of a few weeks only. The instructions given by the central office were accompanied with rather unefficient methods, so numerous processes were initiated in order to get a better impelmentation of the status. First, there were some « technical » tentative steps, but as early as the end of 1940, the French civil services were able to « identify » the « Jews » and to purge their ranks.
L’administration de l’Etat français et le statut des Juifs du 2 juin 1931, par Laurent Joly
La création du commissariat général aux Questions juives (CGQJ) au printemps 1941 entraîne la promulgation d’un nouveau statut des Juifs, dont la mise en œuvre dans la fonction publique touche plus de 500 personnes (3 000 avaient été exclues en application du statut d’octobre 1940), essentiellement des agents subalternes, et fait apparaître différentes logiques. Alors que le CGQJ souhaite réguler la politique antijuive de Vichy de manière uniforme et selon les principes de l’antisémitisme d’État – « déjudaïsation » inflexible, avec des exceptions pour les anciens combattants les plus méritants et leurs familles -, les administrations concernées ont une conception plus pragmatique et personnalisée des choses, et appliquent la loi en fonction de leurs intérêts et traditions propres. En pratique, cette confrontation institutionnelle favorisa un durcissement de la politique d’exclusion, les grandes administrations allant bien souvent au-delà des prescriptions du CGQJ.
/ The civil service of the French State and the status of the Jews of June 2nd 1941
The setting up of the general commission for Jewish matters in the course of the spring 1941 entailed the promulgation of a new status for the Jews, and its impelmentation concerns more than 500 persons ( 3 000 had already been excluded following the status of October 1940 ), mainly subaltern servants, and brings to light quite various principles. While the General Commission aims at adjusting the antijewish politics of Vichy more uniformly and in accordance with the foundations of the antisemitism of the State — inflexibility about the exclusion of the Jews, except the most deserving old soldiers and their families — The services which were concerned had a more matter-of-fact and particular view of the problem, and enforce the law as their own interests and traditions command. As a result, this institutional confrontation favoured a tightening of the politics of exclusion, the largest services even took steps going further than what had to be enforced.
L’éviction des médecins juifs dans la France de Vichy, par Henri Nahum
Dès l’été 1940, le gouvernement de Vichy promulgue des lois visant les médecins juifs. Outre les professeurs et les médecins hospitaliers, les uns et les autres exclus, elles concernent les médecins d’origine étrangère, presque tous juifs, qui doivent cesser sans délai l’exercice de leur profession. Un an plus tard, un numerus clausus limite à 2 % le nombre de médecins juifs autorisés à exercer, qu’ils soient naturalisés ou français d’origine. Ces mesures sont en général appliquées dans faiblesse par le Conseil de l’ordre, soumis à la surveillance vigilante du commissariat général aux Questions juives. Quelques exemples de parcours individuels montrent comment les médecins juifs ont réagi face aux lois d’exception.
/ The exclusion of Jewish doctors in the Vichy State of France
As early as the summer of 1940, the Vichy government promulgates laws concerning the Jewish doctors. Besides the hospital professors and doctors, already excluded, these laws concern doctors of foreign origin, almost all of them being Jewish, who must immediately stop their practice. A year later, a « numerus clausus » restricts to 2% the number of doctors allowed to practice, be they naturalized or of French origin. On the whole, these measures are enforced unwaningly by the Council of the Medical Association, under the strict supervision of the General Commission for Jewish matters. Some examples of individual carreers are a testimoly as to how the Jewish doctors responded to the laws of exclusion.
Les services artistiques de la radio de Vichy : L’application hasardeuse de la législation antisémite, par Karine Le Bail
Dans la France vaincue, la Radiodiffusion Nationale a constitué pour le gouvernement de Vichy le relais immédiat de ses nouvelles options politiques. Placée sous la férule d’un des services les plus radicalisés du nouvel Etat, le secrétariat général à l’Information et à la Propagande, cette administration a dès lors entrepris, dès la promulgation du premier statut des Juifs, une épuration à vaste échelle qui s’est traduite, dans les faits, par une interprétation particulièrement exorbitante de la législation en vigueur. L’exclusion totalement discrétionnaire des artistes juifs engagés pour nourrir les programmes de Radio-Vichy illustre ainsi de façon significative le décalage entre les intentions du législateur – exclure les Juifs des postes à fort pouvoir d’influence – et la difficile adéquation de la loi à une institution composite, située au croisement de l’administration publique et de l’industrie culturelle.
/ The artistic programs of the radio of Vichy: the rash enforcement of the antisemitic legislation
In the defeated France, the Vichy government made use of the National Broadcasting as the readiest organ for the new political strends. Under the rule of one of the most drastic services of the new State that was the General Office for Information and Propaganda, this service immediately undertook, as soon as the first status for the Jews was promulgated, to purge widely its various offices, which conveyed in fact a particularly outrageous interpretation of the actual legislation. The utterly discretionary exclusion of Jewish artists who had been engaged to enrich the programs of Vichy radio, reflects the gap between the intentions of the lawmaker — the exclusion of the Jews from the posts where they could be influential — and the difficulty in trying to adapt a law to an intricate service, placed at the intersection between civil service and culture system.
Le secrétariat d’Etat à l’Aviation et la politique d’exclusion des Juifs, par Claude d’Abzac-Epezy
Avec à sa tête le général Bergeret, le secrétariat d’Etat à l’Aviation manifeste un zèle particulier dans la mise en place et l’application des lois antijuives. Lors de la concertation interministérielle préalable à la loi de juin 1941, il est le seul département à demander et obtenir une révision du texte dans un sens plus restrictif. Des enquêtes minutieuses lui permettent de s’assurer qu’aucun fonctionnaire ou militaire n’a pu échapper à la loi. Les raisons de cette attitude sont diverses : on peut évoquer le rôle essentiel d’une administration soucieuse d’efficacité, le souci de s’attirer les bonnes grâces des services allemands dont dépendent la survie de tout le secteur aéronautique, civil ou militaire, ou encore un rejet de la politique de nationalisations du Front populaire et des personnalités d’origine juive qui y sont associées. Cet article donne les résultats chiffrés de la politique d’exclusion au sein du ministère et aborde la question très particulière des industries aéronautiques au sein desquelles l’exclusion des Juifs a été appliquée de façon discrétionnaire.
/ The state office of Air Force and the exclusion policy concerning Jews
Under the command of general Bergeret, the Air Force office intends to prove overzealously how the antijewish laws can be enforced. At the time of the interdepartemental meeting prior to the law of June 1941, it is the only departement to ask for and obtain a more restrictive revision of the text. Very minute inquests enable the departement to check that no civil servant or military man managed to escape the law. There are various reasons to this attitude: this departement which is very anxious about its efficiency, is essential for the government, and cares to gain the favour of the German services on which the civilian as well as the military aviation district depend, it can also be pointed out that this district endeavours to dismiss the politics of nationalization of the Popular Front to which personalities of Jewish origin were associated. This article presents results backed up by figures of these politics of exclusion in the Air Force Office, and moves on tothe very specific problem of the aviation industries among which the exclusion of Jews was enforced in a discretionary way.
L’exclusion des avocats juifs en Tunisie pendant la Seconde Guerre mondiale, par Claude Nataf
Appliqués de plein droit en Algérie, les statuts des Juifs d’octobre 1940 et de juin 1941 furent transposés avec quelques variantes dans les législations de la Tunisie et du Maroc. A partir des dossiers du fonds du Secrétariat général du Gouvernement tunisien récemment versés aux Archives nationales de Tunisie, cet article retrace les étapes et éclaire en bonne partie les coulisses de l’élimination des avocats juifs des barreaux de Tunis et de Sousse. Par leur nombre et leur situation majoritaire au sein du Conseil de l’ordre, les avocats juifs de Tunisie avait attiré la vindicte du premier commissaire général aux Questions juives, Xavier Vallat. Celui-ci ouvrit en personne à Tunis en août 1941 une antenne de son commissariat, laquelle n’eut de cesse que d’obtenir leur éviction du barreau. Ce n’est cependant qu’en août 1942 qu’un numerus clausus de 5 % (2 % en France) était institué par le résident général Esteva. La documentation disponible permet de décrire le processus de la sélection des avocats maintenus et d’analyser les rares tentatives de recours. Abrogées en juin 1943, ces mesures n’ont été appliquées que brièvement. Elles n’en sont pas moins significatives d’un « antisémitisme ordinaire » dans la profession.
/ The exclusion of the Jewish lawyers in Tunisia during the second World War
The status of the Jews of October 1940 and June 1941 were enforced quite legitimately in Algeria, but, granted a few differences, they were also added to the laws governing Marocco and Tunisia. Thanks to the files belonging to the collection of the General State Office ot the Tunisian Government recently added to the National Archives of Tunisia, this article traces back the various steps and sheds light on what was at work behind the exclusion of Jewish lawyers from the bars of Tunis and Sousse. The Jewish lawyers, because they were numerous and were the majority in the Council of Lawyers’ Association, were exposed to the condemnation of the first General Commissionner for Jewish matters, Xavier Vallat. He himself opened a unit of the Commission in Tunis in August 1941, which endeavoured incessantly to obtain the exclusion of all the lawyers from the Council. But this was effective only in August 1942 with a « numerus clausus » of 5% ( 2% in France ) thanks to the decision of the General Resident. A documentation is available which informs about the process of selection of the lawyers maintained in activity and about the few attempts at changing the decision. These measures were abrogated in June 1943, so that they were enforced for a short lapse of time. Nevertheless they are significant of this » everyday antisemitism » in this profession.
Vichy aux colonies. L’exportation des statuts des Juifs dans l’Empire, par Eric Jennings et Sébastien Verney
Le cadre colonial fournit un test intéressant pour analyser la nature même de l’antisémitisme de Vichy. Dans l’hypothèse où l’idéologie antisémite n’aurait pas été au cœur d’une révolution culturelle et d’une logique d’épuration, où elle aurait surtout été censée plaire au vainqueur allemand, ou encore où elle aurait été de facture étrangère, on pouvait s’attendre à ce qu’elle ne soit pas étendue à de lointaines colonies entre 1940 et 1944. Or, comme le démontrent les auteurs, tant le secrétariat général aux Questions juives que le secrétariat d’Etat aux Colonies, ainsi que les gouverneurs coloniaux, veillèrent à une application stricte des statuts de Vichy dans les territoires restés « fidèles » à Pétain — certes avec quelques différences d’appréciation entre les secteurs de l’administration. Et c’est, paradoxalement, le faible nombre de personnes concernées par ces statuts aux colonies qui retient l’attention. Pourquoi et comment Vichy a-t-il étendu un texte antisémite au Togo, où l’administration de dénicha aucun Juif ? Comment et dans quelles conditions l’antisémitisme d’Etat a-t-il été appliqué en Indochine, colonie restée loyale au Maréchal même après sa déchéance ? On connaissait la détermination du commissariat général aux Questions juives en France métropolitaine. Cet article prouve que le régime pourchassa également les Juifs au quatre coins de son empire colonial.
/ Vichy and the colonies. Export of the status of the Jews in the Empire
The colonial structure offers an interesting example for analysis of the basic nature of antisemistism during Vichy State. In the assumption that the antisemitic ideology would not have been the basis of a cultural revolution and a scheme of purge, that it was mainly supposed to have been a means to please the German victor, or still that it would have been conceived out of France, we could have expected that it would not extend to the farthest colonies between 1940 and 1944. An yet, according to what is proved by the authors, the General Commission as well as the State Colonial Commission, as well as the Colonial Residents, made sure that the Vichy status was strictly enforced in the territories still » loyal » to Pétain — admittedly there were diffeent assessments in different sectors. And what must be given consideration to is that it makes no sense to be so strict when the status concerned so few persons. Why and how could Vichy enforce an antisemitic status in Togo, where no Jew could be found? Why and how state antisemitism was enforced in Indochina, a colony which remained loyal to the Marshal even after he was destituted? The determination of the General Commission for Jewish affairs was well known in France. This article shows that the Government hunted down the Jews all over its colonial empire.
Mélanges
« L’affaire du cimetière d’Oran » (1970-1974). Les Juifs oranais, inclusions et exclusions d’une population entre deux rives, par Yann Scioldo-Zürcher
Alors que la question sociale liée au rapatriement des Français d’Algérie était en passe d’être résolue, la modification en 1971 du plan d’urbanisme de la ville d’Oran, qui entraînait la destruction d’une partie de l’ancien cimetière juif, réveilla de multiples tensions chez les Juifs oranais rapatriés mais aussi, chez les rares membres de la communauté restés sur place. Ne pouvant s’opposer au projet, les membres de la communauté oranaise installés en France virent dans ces travaux la volonté de l’Etat de rayer symboliquement les traces de leur présence multiséculaire sur le sol algérien. Les membres de la petite communauté d’Oran, quant à eux, ne purent pas davantage peser sur la décision de la municipalité et subirent, dans le même temps, la déclaration de vacance de leur synagogue, transformée en centre culturel islamique. De leur côté, les membres du Consistoire central parisien s’assuraient de l’inhumation des corps selon les règles religieuses, mais ne prirent que tardivement conscience des demandes cultuelle de toute la communauté oranaise qui craignait la disparition de rites qui n’avaient pas encore trouvés leur place dans le réseau des synagogues consistoriales françaises. L’affaire illustre ainsi parfaitement les premières revendications culturelles des rapatriés juifs, désormais distinctes des revendications mémorielles communes à tous les pieds-noirs.
/ The affair of the cemetary of Oran ( 1970-1974 ). The Jews of Oran, inclusions and exclusions of a population between two shores
While the social problem of the repatriation of the French people of Algeria was nearly solved, the new town planning for the city of Oran in 1971, which entailed the destruction of the old Jewish cemetery, aroused renewed tensions among the Jews who had left Oran as well as among the few members of the community who were still there. Since they could not refuse this project, the Jews who lived in France considered this project as a symbol meant by the State to erase the signs of their multicentury presence on the algerian soil. As to the members of the small community of Oran, they were not able of course to influence more strongly a questionning of this decision, and they simultaneously underwent the news of the vacancy of their synagogue which became an Islam cultural center. As concerns the members of the Consistory of Paris, they made sure that the bodies were buried according to the religious habits, but they belatedly became aware of the cultual needs of the entire Oran community which dreaded the disappearance of rites which had not yet found a place to be practiced among the French synagogues. This problem is a good example of the first cultural claims of the repatriated Jews, which henceforth must be separated from the memorial demads common to all the pied-noirs.
Vers un nouveau franco-judaïsme. La création de l’Université populaire juive, par Vincent Vilmain
Au début du XXe siècle, alors qu’en France les tensions entre sionistes et israélites atteignent leur paroxysme, une nouvelle institution juive regroupant les deux tendances voit le jour. Imaginée par les sionistes comme un outil de propagande à destination des masses juives immigrées récemment installées dans le IVe arrondissement de Paris, l’Université populaire juive (UPJ) reçoit l’indispensable soutien financier des représentants de la communauté israélite. Les deux nouveaux partenaires se sont en effet trouvé un ennemi commun : le socialisme juif. À l’image des autres universités populaires, l’UPJ ne parvient pas à rapprocher les élites des classes laborieuses. Si elle trouve un public à travers les services qu’elle propose, son programme politique et culturel est un programme bourgeois sans rapport avec les préoccupations des masses. Elle cherche à initier au loisir culturel une population non seulement dépourvue de temps libre, mais également astreinte à des impératifs quotidiens de survie matérielle. L’histoire de cette institution n’est cependant pas uniquement celle d’un échec. En dépit des luttes d’influence entre sionistes et israélites, elle rapproche en effet les deux camps, permettant des échanges politiques et surtout culturels. Elle constitue en cela une matrice du réveil culturel juif qui émerge dans les années 1920 et incite de nouvelles élites à repenser le franco-judaïsme.
/ Towards a new franco-judaïsm. The creation of the Popular Jewish University
By the beginning of the XXth century, while in France the tensions between Zionists and Israelites were paroxysmic, a new Jewish Institute was born which brought together both tendencies. The Zionists conceived that it could help as a means of propaganda for the Jewish immigrants recently settled in the fourth district of Paris, this University receives a necessary financial help granted by the members of the Israelite community. The new partners had a common ennemy: Jewish socialism. Similar to other popular universities, the PJU is unable to bring together the elite and the working classes. It appeals to some public thanks to the various sectors, but its political and cultural schedule is dedicated to middle-class people who are not preoccupied with the same difficulties as the working masses. It aims at introducing into cultural leisure activities a population deprived of spare time, but not of everyday worries about material survival. However the history of this Institute is not only that of a failure. In spite of the fights for influence between Zionists and Israelites, it brings together the two groups, thus allowing political and mainly cultural exchanges. As such, it represents the basis of a Jewish cultural awakening in the twenties and entices new elites to imagine a new franco-judaïsm.
Recherches
Suggestions de recherches à mener à partir d’un dictionnaire biographique, par Jean-Philippe Chaumont et Monique Lévy
Dictionnaire
Bernard Abraham Lecache, fondateur de la Ligue internationale contre l’antisémitisme
Lectures
- Pierre Birnbaum, l’Aigle et la synagogue. Napoléon, les Juifs et l’Etat (Jean-Philippe Schreiber)
- Yehudit Inbar, Taches de lumière, être une femme pendant la Shoah (Shoshana-Rose Marzel)
- Marie-Noelle Postic, Sur les traces perdues d’une famille juive en Bretagne (Romain Dupré)