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Éditorial
Casquettiers, marchands de tissus, tailleurs, maroquiniers, voilà quelques-uns des métiers qui ont fait vivre les Juifs immigrés en France dans la première moitié du xxe siècle. Est-ce pour autant des activités spécifiquement juives ? Certainement pas. L’histoire de la France et des autres nations, qu’elles soient européennes ou non, montre que les nouveaux venus ont souvent exercé ces métiers, qu’ils y ont puisé d’indispensables moyens de subsistance, qu’ils ont ainsi engagé leur marche vers l’intégration. Dans la plupart des cas, ils n’ont pas construit de grosses fortunes, du moins pour la première génération.
Bien entendu, tous les Juifs n’étaient pas des artisans. Mais dans certains secteurs, la présence juive était forte. Elle a servi de prétexte à un renforcement de l’antisémitisme. Avant même que le régime de Vichy ne prenne les mesures discriminatoires qui annoncent et facilitent la Shoah, une concurrence exacerbée, une propagande aussi efficace que mensongère alimentent le débat : les Juifs ne sont-ils pas trop nombreux dans les métiers du vêtement et de la mode ? N’ont-ils pas arraché aux « vrais Français » leur travail, leurs revenus, leur mode de vie ? Ne contribuent-ils pas à « enjuiver » des secteurs entiers de l’activité économique ?
Archives juives fait le point. De jeunes historiens ont dépouillé les archives, interrogé les derniers témoins, parcouru la presse pour savoir ce qu’il en était. Au fil de la lecture, on découvre un monde hétérogène, dynamique, survivant tant bien que mal tandis que la France plonge dans la crise des années trente. Voilà pour la période de l’entre-deux-guerres. Mais notre enquête ne s’arrête pas en 1940. Elle met au jour les effets de la spoliation telle qu’elle a été définie et pratiquée par Vichy et l’Occupant. Elle se poursuit après la Libération, avec la reconstruction de l’artisanat juif à laquelle l’ORT participe activement. Elle aborde la période la plus contemporaine en soulignant les transformations et les innovations des années soixante. La métamorphose est parfois impressionnante. Peut-on comparer, par exemple, l’atelier de confection dans lequel travaillent trois ou quatre tailleurs avec les maisons de renommée internationale qui ont pour nom Sonia Rykiel, Ted Lapidus ou Daniel Hechter ?
C’est dire combien le dossier est riche, nouveau et instructif sur les processus de l’intégration. Là ne s’arrête pas l’originalité du présent numéro. Les mélanges portent sur les écoles primaires en Alsace au xixe siècle, sur la campagne antisémite de 1932 dans L’Ami du Peuple, sur le rapport des Juifs français à Israël dans la seconde moitié du xxe siècle. À cela s’ajoutent la rubrique des notices biographiques, des comptes rendus de lecture nombreux et des informations.
La diversité, la qualité des analyses font de notre revue un instrument de travail indispensable pour celles et ceux qui cherchent à mieux connaître l’histoire des Juifs de France. Bien des ouvrages ne manquent pas de faire référence à notre revue et de citer certains de nos travaux. Et puis, il faut le répéter, la liste des thèmes que nous avons traités est impressionnante. Nous avons en préparation des dossiers d’un intérêt comparable. Oui, Archives juives a pris sa place parmi les revues d’histoire. Nous entendons la conserver. Nous poursuivrons nos efforts pour faire encore mieux.
A.Kaspi
Sommaire
Dossier : Les juifs dans le Paris du vêtement et de la mode
Introduction, par Shoshanah-Rose Marzel
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La grève des casquettiers parisiens en 1911-1912 : luttes sociales, action individuelle et construction d’une identité collective, par Olivia Gomolinski
Le syndicat des casquettiers occupe une place particulière dans l’histoire du mouvement ouvrier et syndical du fait d’une part de sa structuration précoce, dès 1896, et de son caractère particulièrement revendicatif, et d’autre part de sa composition socio-culturelle bien spécifique, en tant que structure professionnelle constituée uniquement d’immigrés juifs venus de l’Empire tsariste. Les années étudiées, 1911-1912, sont celles des plus fortes tensions sociales de la période d’avant-guerre ; le syndicat est alors animé par un homme expérimenté, un exilé bolchevique, A. Lozovski. Le syndicat des casquettiers apparaît pour l’ensemble des organisations ouvrières juives comme un modèle d’organisation et de lutte. Cette période a marqué la mémoire du mouvement ouvrier juif, et le modèle organisationnel mis en place par Lozovski s’est pérennisé, en dépit des aléas d’un univers particulièrement mouvant, celui d’une population immigrée.
/ The Union of cap-makers, 1911 – 1912 : social struggles, building a group identity and personal deed
The Union of cap-makers fills a specific place in the history of the labour movement and syndicate, first due to its early birth, as soon as 1896, and its exceptional claiming action, and due on the other hand to its typical socio-cultural setting-up since it was a professional structure solely constituted of Jewish immigrants from the Russian Empire. 1911 – 1912, which are the years looked into, witnessed the biggest social tensions of the period preceding the first World War; at that time, the leader of the syndicate is a Bolshevik exile, A. Lozovski, an experienced man. The cap-makers syndicate stands as a model of structure and struggle for all the Jewish labour movements. This is an outstanding period in the memory of the Jewish labour movements, and the structure model initiated by Lozovski persisted in spite of the ups and downs of the particularly unsteady universe of an immigrated population.
Vendre sur les marchés dans les années trente à Paris : marchands juifs du textile, du cuir et autres accessoires du marché aux puces de Saint-Ouen, par Céline Leglaive
A la fin des années trente, les marchands juifs du vêtement sont relativement nombreux sur le marché aux Puces de Saint Ouen. Les archives de l’aryanisation permettent d’en savoir plus sur leur nombre et leurs métiers. La vision qui s’en dégage est contrastée : on y trouve des marchands de la confection, souvent aisés, qui présentent leur assortiment dans un stand ou une baraque » en dur « , et des vendeurs d’accessoires, plus misérables, appelés marchands » volants « , qui vendent sur un bout de trottoir. Mais l’écart le plus grand est celui qui sépare les marchands de vêtements neufs et les marchands de fripe et d’occasion. Les deux groupes se rejoignent pourtant autour de leur lien avec le monde de l’artisanat. La présentation de différents parcours permet de mesurer la force de ce lien qui prend plusieurs formes, soit que le marchand vende sa propre production artisanale, soit qu’il vende la production d’autres Juifs, majoritairement d’origine immigrée. Dans ce dernier cas, l’on note que, presque toujours, le commerçant a été lui-même un artisan auparavant. Le lien fort entre artisanat et commerce ambulant s’explique donc tout autant par la puissance des réseaux de l’immigration juive que par la familiarité du commerçant avec les milieux artisanaux.
/ Sellers in market-stalls in Paris in the thirties: textile, leather and other kinds of accessories at the flea market of St Ouen
By the end of the thirties, Jewish clothes traders were rather numerous at the flea-market of St Ouen. The « aryanisation » archives are a means to learn more exactly how many they were, and what their trades dealt with. We can thus get a contrasted view : there are ready-made sellers, often well-off, who get a stall or a solid shed to display their assortment, and accessories peddlers, poorer men, described as « hawkers » who just get a narrow place on a pavement. But the greatest gap is to be found between those who sell new clothes and second-hand dealers. Nevertheless, both these groups are drawn closer because of their link to the craft industry. The relation of different carreers is a way to assess the strength of this many-shaped link, whether the trader sells his own making, or that of other Jews, mainly immigrated ones. In this last instance, it is worth noting that the seller has nearly always been first a craftsman himself. This link is so close first because the network between immigrants is very close and also because the seller is very well acquainted with the craftsmanship area.
Usages du yiddish et prosélytisme linguistique dans l’industrie de l’habillement, par Shmuel Bunim
La perméabilité du yiddish aux langues de son environnement est un phénomène qui l’accompagne depuis sa naissance. L’article étudie plus particulièrement le sort du yiddish, émigré de son terreau originel – les judaïcités est-européennes où il était la langue quotidienne – vers un pays occidental. Transplanté en France, le yiddish a adopté et assimilé, en l’espace de moins de deux générations, nombre de vocables français. L’industrie du vêtement a constitué un des vecteurs principaux de ce prosélytisme linguistique au point d’en devenir le langage quasi professionnel des Juifs travaillant dans cette branche. La « yiddishisation » de vocables et d’expressions françaises est une des facettes du phénomène migratoire. Repris, retranscrits en caractères hébraïques, légitimés par la presse yiddish de l’époque, ils s’inscrivent dans le cadre plus large du discours que le groupe immigré tient sur lui même.
/ Yiddish language and speech acculturation in the clothing trade
The ability of Yiddish to open up to the surrounding languages is a phenomenon with which it has been familiar since its birth. This article analyses more specifically what becomes of Yiddish when it emigrates from its breeding ground, the east-European Jewishnesses where it was an everyday language to a western country. Resettled in France, the Yiddish adopted and took in many French words in less than two generations. The clothing industry was one of the main media of this language proselytism to the point of becoming almost the professional language of the Jews who traded in that specific branch. « Yiddishisation » of French words and expressions appears as one of the multi-sided immigration phenomenon. Derived and rewritten in Hebraïc characters, legitimated by the Yiddish papers of that time, they fall within the wider scope of the speech of the immigrated group about itself.
Dans les filets des spoliateurs : les échoppes et les petites fabriques de cuir parisiennes sous l’Occupation, par Florent Le Bot
En 1940, les Juifs sont nombreux à vivre du cuir à Paris, dans une foule de micro-entreprises : petits cordonniers, petits tanneurs, modestes fabricants et marchands de chaussures, de maroquinerie, de gants, de produits divers en cuir, etc. Celles-ci donnent peut-être, de l’extérieur, une impression de misère ; elles participent néanmoins à une économie de proximité, associant d’authentiques dynamiques à une présence vivace au cour des rues et des quartiers parisiens. Qui plus est, elles consacrent pour leurs exploitants et leurs familles un parcours de vie, une forme de réussite et d’assise sociale. C’est tout cet univers qu’anéantissent pendant la guerre les spoliations antisémites, décidées au nom du soi-disant pouvoir de nuisance de la » fortune juive « , mais aboutissant, dans les faits, à dépouiller, pour l’essentiel, des pauvres. Malgré les restitutions, ce monde a définitivement basculé après 1945. Monde d’entreprises, processus de spoliations, histoire de restitutions imparfaites et de réparations impossibles, tels sont les fils suivis par l’étude, fondée pour l’essentiel sur quelque 400 dossiers d’entreprises de la Seine ouverts par le Service de contrôle des administrateurs provisoires (SCAP) en vertu de la politique d’ » aryanisation » économique « .
/ In the snares of despoilers : the stalls and small leather factories in Paris during the Occupation
In 1940, many Jews in Paris trade leather in numerous very small firms : small shoe-repairing shops, tanneries and shoe-leatherwork, gloves and various other accessories made of leather… They might look miserable from the outside ; however they take a part in local economy, by linking genuine dynamics with a lively presence along the streets and in the neignbourhoods of Paris. Moreover for the traders and their families they mean a life-long carreer as well as a manner of social success and foundation. During the war, the antisemitic despoilments ruin this universe, since they were ordered because of the supposed pollution power of the « Jewish wealth », but succeeded in fact in depriving mainly the poor people. In spite of the refundings, this world eventually toppled down after 1945. A world of business, a process of despoilments, a history of uncompleted refundings and total inability to compensate, such are the main themes of this investigation, based on some 400 firm files of the Seine department established by the supervising services of provisional property managers in the scope of the « economical aryanisation ».
La contribution de l’ORT à la reconstruction de l’artisanat juif parisien dans l’immédiat après-guerre : l’exemple des métiers du textile, par Sophie Enos-Attali et Emmanuelle Polack
À la Libération, les artisans juifs parisiens rescapés de la tourmente sont dans un dénuement total : foyers détruits, familles dispersées aux quatre coins du pays, locaux et matériel nécessaires à la reprise d’une activité professionnelle spoliés. Reprendre le cours d’une vie normale est pour eux une épreuve des plus difficiles. Face à cette situation, l’ORT décide de faciliter leur reclassement professionnel par des dons de matériel et des formations à des métiers divers, notamment dans les métiers du textile, le fameux schmatès en yiddish. L’article souligne l’ouvre accomplie dans ce domaine à partir des archives de l’ORT-France, y compris son riche fonds iconographique. Ce sont plusieurs centaines de personnes – l’état actuel des recherches ne permet pas d’en établir le nombre exact – qui ont pu progressivement reprendre pied dans la vie.
/ The contribution of the ORT to the rebuilding of the Jewish craft industries in Paris in the immediate after-war: the clothing crafts
At the Liberation, the Jewish craftsmen who survived the torment are in utter destitution : homes destroyed, families scattered everywhere in the country, despoilment of the premises and equipments without which they are unable to resume their professional activity. Returning to normal life appears as a most difficult experience for them. Aware of this problem, ORT decides to help them regain their activity thanks to the granting of equipments and providing trainings for various jobs dealing mainly with clothing, the famous « shmates » in Yiddish. With the help of the ORT-France archives, including an important iconographical collection, this article sets out what was done in this area. Many hundreds of people – the present state of the investigations does not allow to give a more accurate number- could thus make a fresh start in life.
De quelques Success Stories dans la création vestimentaire parisienne des années 60, par Shoshanah-Rose Marzel
Dans le Paris les années 1960, une nouvelle génération de créateurs juifs, enfants persécutés pendant la guerre, révolutionnent la mode et créent de nouveaux empires commerciaux. Parmi les créateurs à succès de cette époque, l’article retrace les parcours des plus représentatifs : Ted Lapidus, Rose Lapidus-Mett (Torrente), Daniel Hechter et Sonia Rykiel. Les premiers se sont illustrés dans la Haute Couture, alors que Daniel Hechter et Sonia Rykiel se sont spécialisés dans le prêt-à-porter ; mais tous ont innové, et dorénavant leurs noms font partie de l’histoire de la mode. Aujourd’hui, ils représentent le génie français, en France et à l’étranger.
/ About some Success Stories in the Paris clothing creations during the sixties
During the sixties in Paris, a new generation of Jewish creators, who had been persecuted children during the war, stir up fashions and create new industrial empires. The article goes back over the careers of the most famous among these successful creators : Ted Lapidus, Rose Lapidus-Met (Torrente), Daniel Hechter and Sonia Rykiel. The first ones were known among designers, whereas Daniel Hechter and Sonia Rykiel specialized in ready-to wear clothes; but everyone was a creator, and their names belong to the history of fashions ever since. Nowadays, they speak for the French genius in France and abroad.
Mélanges
Les écoles primaires en Alsace au XIXe siècle, par Anny Bloch-Raymond
Le heder d’Ancien Régime se transforma petit à petit à partir de la Restauration en école primaire à la française, dans le cadre des lois scolaires du pays. Compliquée par l’extrême dispersion de l’habitat rural, cette transformation fut lente et inégalement répartie, au fur et à mesure du remplacement des anciens maîtres par des instituteurs sortis des écoles normales et de la prise en charge par les communes d’une partie des frais. Elle était à peu près réalisée avant la guerre de 1870 qui fit échapper l’Alsace à la loi Jules Ferry de 1882 puis à la laïcité issue de la Séparation des Eglises et de l’Etat de décembre 1905. Une école de filles fut ouverte à Strasbourg en 1844. Le réseau des écoles primaires israélites fut laminé par l’exode rural et disparut totalement après le retour de l’Alsace à la France en 1918.
/ Elementary school in Alsace during the XIXth century
Starting from the Restoration, the heder of the Ancien Regime, gradually turned into an elementary school in the French fashion, within the scope of the educational framework of the country. Due to the rural scattered settlement this change went slowly and was unevenly distributed, depending on the replacement of the former masters by teachers coming from training colleges and on the partial taking on of the charges by the communities. It was just completed before the 1870 war so that Alsace evaded the 1882 Jules Ferry law and the law about the secular education stemmed from the Separation of the Church and the State issued in December 1905. A girl school was started in Strasbourg in 1844. The system of Jewish elementary schools was wiped out by the rural exodus, and disappeared totally after the return of Alsace to France in 1918.
« L’Ami du peuple » contre « les financiers qui mènent le monde ». La première campagne antisémite des années 1930, par Laurent Joly
Au début de l’année 1932, François Coty, richissime industriel admirateur de Mussolini et du fascisme, lance dans les colonnes de L’Ami du Peuple, quotidien populaire qu’il dirige et finance dispendieusement de ses deniers, la première campagne antisémite des années 1930. Dans le contexte de la crise économique et financière internationale, le journal offre à ses nombreux lecteurs (quelques millions) une explication simple et fantasmatique aux problèmes du monde : tout vient d’un complot capitaliste-bolchevique-sioniste tramé par un mystérieux banquier juif américain ! Cette campagne, unique dans l’histoire de la grande presse nationale, met en scène des personnalités de l’activisme antisémite dont le rayonnement était jusqu’alors fort restreint et qui ne reviendront sur le devant de la scène que plusieurs années plus tard, sous l’Occupation. L’argent de Coty en attendant l’argent allemand.
/ « L’Ami du peuple » (the People’s Friend) against the « financiers who rule the world ». The first antisemitic campaign of the thirties
At the beginning of year 1932, François Coty, a fabulously wealthy manufacturer and an admirer of Mussolini and fascism, launches the first antisemitic campaign of the thirties, in a popular daily which he edits and expansively finances with his own moneys, « l’Ami du Peuple ». The paper provides his numerous readers (some millions) with a quite simple and fantastical explanation of the problems of the day brought by the international economic and financial crisis : everything arouses from a zionist- capitalistic and Bolshevik plot hatched by a mysterious Jewish banker of the United States. This campaign, unique in the history of the national popular press, presents key figures of the antisemitic activism whose influence up to that time was much restricted, and who will come back to the foreground many years later, during the Occupation. Coty’s money until German money comes…
Comment être juif et français ? Réflexions sur la recomposition identitaire des années 1945-1980, par Laurence Coulon
En France, comme partout dans le monde, la Guerre des Six jours suscita un réveil du sentiment national et réunit la Diaspora juive autour d’Israël. Au cours de la décennie précédente s’était amorcé dans la communauté juive israélite et déjà assez largement répandu un attachement particulier à Israël, fait d’admiration et de respect, mais il restait à l’arrière-plan du patriotisme français. Si bien que lorsque, pendant une courte période consécutive à la campagne de Suez de 1956, on célébra l’amitié entre la France et Israël, l’image positive de l’Etat d’Israël fut confortée par l’attitude de l’administration et de l’opinion non-juive et en assura pour les juifs français le » confort intellectuel « , selon l’expression employée par Raymond Aron. Mais le 27 novembre 1967 intervint une rupture : le général De Gaulle, d’une simple phrase, heurta l’opinion juive française et la retourna. Débuta alors une nouvelle ère pour les juifs français qui rompirent avec le modèle intégrateur hérité de l’époque des Lumières et revendiquèrent une identité particulière faite d’attachement à part égale à la citoyenneté française et à une identité juive, quasi citoyenneté, solidaire de l’Etat d’Israël.
/ How to be Jewish and French? Further thoughts about reconstructing one’s identity in the years 1945 to 1980
In France, as everywhere else in the world, the Six Days war led to a re-awakening of the national feeling and the union of Diaspora Jews around Israël. Most certainly, during the previous years (1947 – 1966) a liking toward this country, a blending of admiration and respect, spread at large; but the Jewish community was first and foremost attached to France. So that, when, for a short period following the allied campaign around Suez, the French- Israelian friendship was celebrated, the favourable image of the State of Israel granted by the administration and the non-Jewish opinion ensured its « intellectual tranquillity » (Raymond Aron). But on 1967 November 27, a breaking-off occurred. The General de Gaulle appeals the feelings of the Jewish community with a simple phrase. Since then, a new era has begun, when the new Franco-Judaism breaks off with the pattern of integration inherited from the Age of the Enlightenment and asks for the acknowledgement of its identity particularism, which means the feeling to be a French citizen as well as a Jewish citizen attached to the state of Israel.
Dictionnaire
- Paul Bénichou, critique littéraire et historien des idées
- Benjamin Fondane, philosophe et écrivain
- Isaac, alias Diogène, Tama, rabbin, négociant, armateur
- Eléazar, dit Elie, Tama, interprète
- Esther Tama
Lectures
- Ilana Y. Zinger et Sam W. Bloom, L’Antisémitisme éclairé. Inclusion et exclusion depuis l’époque des Lumières jusqu’à l’affaire Dreyfus (Danielle Delmaire)
- George R. Whyte, The Dreyfus Affair. A Chronological History (André Kaspi)
- Pierre Birnbaum, Prier pour l’Etat. Les Juifs, l’alliance royale et la démocratie (Ariel Danan)
- Emmanuelle Polack, dir., Artisans et paysans du Yiddishland (1921-1939) (Sophie Enos-Attali)
- Tal Bruttmann et Laurent Joly, La France antijuive de 1936. L’agression de Léon Blum à la Chambre des députés (Catherine Nicault)
- Gérard Sylvain et Joël Kotek, La Carte postale antisémite de l’affaire Dreyfus à la Shoah (Catherine Poujol)
- Jacques Fijalkow, dir., Les Enfants de la Shoah (André Kaspi)
- Albert Bigielman, J’ai eu douze ans à Bergen-Belsen (Catherine Nicault)
- Renée Dray-Bensousan, Les Juifs à Marseille pendant la Seconde Guerre mondiale, août 1939-août 1944 (Jean Laloum)
- Catherine Poujol, Les Enfants cachés, l’affaire Finaly (Katy Hazan)
- Michael Brenner, Vicky Caron et Uri R. Kaufmann, éd., Jewish Emancipation Reconsidered (Monique Lévy)
- René-Samuel Sirat, dir., Héritages de Rachi (Monique Lévy)