Archives juives n°28/2

Est-ce le retour du religieux ? On pourrait le croire en découvrant le dossier que présente Philippe Landau. À la réflexion, ce n’est pas exact. Certes, l’intégrisme boulever­se l’Afrique du Nord, le Moyen­ Orient et inquiète l’Europe aussi bien que l’Amérique du Nord. Là où le marxisme-léninisme a disparu, les hommes et les femmes se précipi­tent dans les églises, les temples et les synagogues, comme si la liberté retrouvée passait d’abord par la liberté de célébrer la gloire de Dieu. Dans notre société elle-même, dont on dit à satiété qu’elle a perdu ses repères, les autorités religieuses nous invitent avec insistance à la méditation, à la prière, à l’applica­tion d’une morale d’inspiration théologique.
La revue Archives juives ne parti­cipe pas au mouvement. Plus tard, lorsque sera venu le temps des historiens, il faudra l’analyser.

Aujourd’hui, ce qui compte, c’est de conserver notre démarche d’histo­rien. Et l’histoire nous pousse à reconnaître quelques évidences.
L’identité juive comporte une dimen­sion religieuse. Être juif, ce fut long­ temps croire en Dieu, suivre les préceptes de l’Ancien Testament et assimiler les commentaires qui les ont éclairés. Au lendemain de la Révolution française, les israélites ont nourri l’illusion qu’ils seraient des citoyens comme les autres, et qu’ils s’en distingueraient malgré tout par leurs convictions et leurs pratiques religieuses. Deux siècles plus tard, le débat n’est pas achevé.

Peut-on être juif sans références à la religion? Que signifie l’expression « Judaïsme laïque» ? De l’Alsace au Comtat Venaissin, du Moyen Age au temps de l’Occupation, quel sens convient-il de donner aux pratiques religieuses ? Le dossier principal de ce numéro nous conduit, nous les lecteurs, à une réflexion sur le temps et sur l’espace. Il apporte les élé­ments indispensables et suggère des interprétations. Voilà qui nous situe parmi les historiens, et non parmi les théologiens.