Archives juives n°29/2

Les Juifs et l’argent, l’argent et les Juifs… Voilà un thème débattu et rebattu. Et pourtant, le dossier1 que publie Archives juives apporte des connaissances nou­velles et donne à réfléchir. Du Moyen Âge jusqu’à nos jours, en France comme à l’étranger, les philosophes, les écono­mistes, les théologiens n’ont pas cessé de poser la même question et de proposer des réponses différentes. Il est certain que les Juifs ont entretenu avec l’argent, avec l’or, avec la banque des relations particu­lières. Il est vrai qu’à une époque où les interdits religieux pesaient de tout leur poids, les chrétiens ont laissé aux autres la charge de faire le prêt sur gage, de traiter les affaires qui leur paraissaient les moins attrayantes, sauf à tenir le rôle principal dans la grande banque, le grand commerce et les grandes spécula­tions. Plus tard, au XXe siècle, est née en France une banque juive, aux côtés d’une banque protestante, tandis que la banque catholique, elle, ne parvenait pas à riva­liser avec ses puissantes concurrentes.
De là, deux conséquences contradictoires. L’antijudaïsme, puis l’antisémitisme en sortent renforcés. Dans l’Alsace du XXe siècle, dans la France d’avant et d’après la Révolution, au cours des soixante dernières années, l’activité des banquiers juifs suscite l’hostilité. Ils pas­ sent pour mettre la main sur les richesses de la nation, pour corrompre la société, pour ne chercher que leur enrichissement personnel. Il y eut un temps où les chré­tiens ne se privaient pas d’annuler, de leur propre initiative et au nom d’une morale à géométrie variable, les dettes qu’ils avaient souscrites. Les Rothschild, les Pereire, les Worms ont provoqué à la fois l’admiration, l’envie et la haine.

« Tous les Juifs sont des Rothschild et tous les banquiers sont juifs », disait-on. De bons auteurs s’en prenaient aux « Rois de la République », à « la banque juive », à « la France juive ». Un éditeur lançait même « une bibliothèque antisémitique ». Et les scandales de la première moitié de notre siècle ont fait l’objet d’une dénonciation d’autant plus vigoureuse qu’ils touchaient quelques banquiers juifs.